Annexe 2
ACOUSTIQUE DES PAVILLONS
Cette annexe n° 2 dédiée à l’acoustique des pavillons est un complément au chapitre 2.1.4 du texte principal. Certains éléments du chapitre 2.1.4 sont repris ci-dessous sans modification.
1- Introduction
Connaître le champ acoustique dans un pavillon dans le cadre de la théorie de
l’acoustique linéaire sans pertes revient à résoudre l’équation des ondes
(A2-1) appliquée au champ de pression auquel s’ajoutent des conditions aux
limites en entrée et sortie de pavillon, et au niveau de la paroi interne (la
composante normale du gradient de pression y est nulle).
. (A2-1)
Plus simplement, l’équation des ondes peut être
remplacée par l’équation de Helmholtz (A2-2) si le problème est traité dans le
domaine fréquentiel (
est le nombre d’onde) :
. (A2-2)
Les solutions de l’équation ci-dessus sont simples si un système de coordonnées peut être choisi de manière à ce qu’une coordonnée maintenue constante définisse une surface coïncidant avec les parois, et que l’équation (A2-2) soit séparable dans le système de coordonnées en question. Malheureusement seul un nombre restreint de géométries de pavillons entrent dans cette catégorie (guide d’onde cylindrique et coordonnées cylindriques, guide d’onde conique et coordonnées sphériques). En pratique, la propagation acoustique dans les pavillons est traitée à partir de l’équation approchée dite de Webster (l’approximation essentielle provient de l’hypothèse ondes planes), proposée en premier lieu par Lagrange et Bernoulli (cf. le chapitre 2 qui suit). Cette équation est traitée dans quelques cas particuliers : pavillons exponentiels et de Bessel (chapitre 3). Pour finir (chapitre 4), une généralisation multimodale de l’équation de Webster est évoquée.
2- Des équations de base à l’équation de Webster
Un pavillon est un tuyau de section
variable S(x) que l’on peut considérer comme une discrétisation en cellules
élémentaires (petits éléments de cylindres d’épaisseur infinitésimale dx) de
sections différentes. Appliquons la conservation de la masse sur l’espace clos
Do limité par la surface So (supposée plane) d’une
tranche de fluide, il vient :
(A2-3)
En intégrant sur le volume et la surface d’une tranche de
pavillon comprise entre les abscisses x et x+dx, l’équation (A2-3)
devient :
soit , (A2-4)
où u’ la vitesse particulaire longitudinale dépend de x et de
t, et la section S dépend de x seulement. Par ailleurs l’équation d’Euler
(A2-5) reste valable :
. (A2-5)
Sachant que la pression et la densité acoustiques vérifient
,
après substitution de la densité par la pression dans (A2-4), puis application
des opérateurs
et
aux
équations (A2-4) et (A2-5), il suffit de retrancher ces 2 équations l’une à
l’autre pour obtenir l’équation (A2-6) dite équation des pavillons ou équation
de Webster :
, (A2-6)
soit
ou dans le domaine fréquentiel.
De fait cette équation approchée repose sur l’hypothèse dite de « variation lente de la section ». Les surfaces équiphases sont considérées comme planes, ce qui en toute rigueur est contradictoire avec la condition aux limites « composante normale à la paroi du gradient de pression nulle ».
Autres formulations de l’équation de Webster.
L’équation de Webster est souvent réécrite de la manière
suivante :
, avec (A2-7)
L’équation de Webster sous la forme ci-dessus est intéressante à discuter. En effet la quantité (et donc la pression p’) est propagative ou non-propagative (évanescente). En fonction de la valeur de la fréquence, la quantité est négative ou positive, dans le premier cas (limite basse fréquence) les ondes sont évanescentes, dans le second cas (limite haute fréquence) les ondes sont propagatives. Le pavillon agit comme un filtre acoustique passe haut dont la fréquence de coupure est définie par l’égalité .
3- Pavillons exponentiels et de Bessel
Pavillon exponentiel
Le rayon R(x) du pavillon exponentiel est calculé en fonction de la distance x par la formule suivante : .
Le paramètre m est relié aux rayons d’entrée et de sortie R1 et R2, à la longueur L du pavillon par la formule suivante : .
La fonction H(x) définie par (A2-7) associé au pavillon exponentiel est une constante indépendante de x : . Cela implique qu’en deçà de la fréquence de coupure , les ondes sont évanescentes ; le pavillon exponentiel infini ne transmet pas les basses fréquences inférieures à Fc. Dans le cas du pavillon exponentiel de longueur finie, une faible part de ces ondes est transmise par « effet tunnel ». Ces caractéristiques du pavillon exponentiel infini et fini sont illustrées figure 20 par le calcul du coefficient de transmission (définition au chapitre 2.1.4 du texte principal) : le coefficient de transmission tend vers 1 à haute fréquence. Le pavillon tend donc à se comporter comme un cylindre à la différence (essentielle) près que s’il débouche sur l’espace infini, l’impédance de rayonnement est beaucoup plus grande que celle du cylindre, puisque cette impédance croit en première approximation comme le carré du rayon. La transmission des fréquences aiguës est donc bien meilleure avec le pavillon exponentiel, celui-ci adapte l’impédance d’entrée à l’espace infini. Ce gain dans l’aigu est réalisé au détriment des graves : en deçà de la fréquence de coupure Fc, les ondes ne se propagent plus dans le pavillon, elles ne sont donc pas transmises vers le milieu extérieur (coefficient de transmission nul dans le cas du pavillon infini). Dans le cas plus réaliste du pavillon exponentiel de longueur finie, les deux comportements décrits ci-dessus restent qualitativement respectés, même si le coefficient de transmission n’est plus identiquement nul en deçà de la fréquence de coupure, et s’il fait apparaître un comportement résonant lié à la finitude du pavillon.
C’est cette propriété d’adaptation d’impédance entre la source est l’espace extérieur qui est utilisée dans les « portes voix » ou en sonorisation. Comme discuté dans le chapitre 2.1.4 du document principal, les pavillons des instruments de musique ne sont pas exponentiels mais semblent se rapprocher de pavillons de Bessel. Comme les pavillons exponentiels (sous-classe de la famille des pavillons caténoïdaux), les pavillons de Bessel forment une famille de pavillon pour laquelle l’équation des pavillons a des solutions explicites.
Pavillon de Bessel
Le rayon R(x) du pavillon de Bessel est
calculé en fonction de x par la relation suivante :
.
Les paramètres a et Rf
sont calculés à partir de des rayons d’entrée et de sortie R1 et R2,
de la longueur L du pavillon par les formules suivantes :
. et .
Peut-on justifier du choix d’un pavillon de Bessel à la place d’un pavillon exponentiel pour une trompette ? Pour tenter de répondre à cette question, nous reprenons le cas d’école traité au chapitre 2.1.3 du texte principal (cylindre de longueur 900mm prolongé d’un pavillon de Bessel de longueur 380mm, cf. figure 15a), cas d’école que nous comparons aux deux autres cas suivants : le même cylindre est prolongé d’un pavillon exponentiel ou d’un cône, la longueur et le rayon de sortie du pavillon étant le même dans les trois cas (figure 21a). L’impédance d’entrée de ces trois résonateurs est calculée selon la méthode présentée au chapitre 2.1.3. Les coefficients de transmission sont déduits des impédances selon la définition donnée en début de ce chapitre, ils sont tracés en fonction de la fréquence figure 21b. Par ailleurs les fréquences de résonance sont extraites des courbes d’impédance est reportées dans des diagrammes de justesse (figure 21c). Après analyse des figures 21b et 21c, il semble que le choix du pavillon de Bessel est lié à son meilleur compromis d’harmonicité par rapport aux deux autres pavillons traités, et non pas en raison de la transmission des ondes.
4- Extension multimodale de l’équation des pavillons
Limites de l’approximation ondes planes.
Comme indiqué précédemment, tous les calculs d’impédance d’entrée reposent sur des hypothèses dont l’une d’entre-elles, la propagation en ondes planes, est très discutable dans le cas des pavillons. Pour ces résonateurs, et pour les cônes, l’onde plane ne respecte pas les conditions aux limites à la paroi du guide d’onde. En effet dans le cas sans perte, avec des parois rigides, la composante normale à la paroi de la vitesse (ou le gradient de pression) acoustique est nulle. Or l’hypothèse ondes planes ne respecte cette nullité que dans le cas du guide d’onde à section constante, ce qui n’est évidemment pas le cas des pavillons. De fait les fronts d’ondes ne sont pas plans et dépendent de la géométrie du pavillon. Notons que dans le cas des pavillons coniques, les fronts d’ondes sont sphériques.
Si l’hypothèse onde plane n’est pas vérifiée, il n’est pas surprenant de vérifier que l’impédance d’entrée d’un pavillon calculée à partir de cette hypothèse n’est pas très réaliste. Ceci est vérifié aisément en comparant l’impédance d’entrée calculée suivant l’hypothèse ondes planes, avec l’impédance mesurée d’un pavillon de trompette (figure 22a). Dans le cas réaliste d’un cylindre de longueur 780mm prolongé du pavillon de trompette en question (portion cylindrique de 120 mm avant la partie évasée longue de 380mm), le décalage entre le calcul et la mesure est de l'ordre de 15 Hz sur la résonance n° 8 (figure 22b), soit 25 cents pour le Sib aigu de la trompette.
Extension multimodale
L’équation des pavillons est une équation approchée, comme indiqué plus haut une des limitations de la méthode est l’approximation onde planes ne respectant pas les conditions aux limites à la paroi du guide d’onde (les fronts d’ondes ne sont pas localement orthogonaux à la paroi). Il existe une approche matricielle généralisant l’équation des pavillons, qui donne des solutions respectant les conditions aux limites à la paroi. Donner une description détaillée de la méthode est hors de propos ici (pour plus de détail voir les références citées en fin d’annexe).
Cette approche repose sur une description multimodale du champ acoustique ; si il s’agit de traiter un pavillon axisymétrique, le champ acoustique est décomposé sur les modes propres du guide d’onde cylindrique. Les fonctions propres Yi sont solutions de :
, et sur le contour C de la paroi
et la relation d’orthogonalité sur la section S .
Les valeurs propres ai
sont données par :
où
les gi sont les zéros
successifs des fonctions de Bessel d’ordre1 (pour le premier mode, le mode
plan, a1=0). La pression
p(x,r) en tout point du guide peut être décomposée sous la forme :
. (A2-8)
Les Pi, coefficients du développement modal,
regroupés dans le vecteur
sont
solutions de l’équation suivante :
où A est la matrice diagonale des . (A2-9)
La matrice A étant diagonale, les différents modes se propagent dans le tube cylindrique indépendamment les uns des autres, il n’y a pas de couplage de modes. Notons en passant qu’à basses fréquences (en dessous de la première fréquence de coupure Fc1 définie par ), seul le mode plan est propagatif, les modes d’ordre supérieur sont évanescents.
Dans le cas des pavillons, l’équation scalaire (A2-6) est prolongée en une
équation vectorielle plus compliquée que (A2-9) ; les modes y sont couplés
de par l’existence de matrices non-diagonales dans l’équation. Une onde plane
en entrée de pavillon se déforme au cours de la propagation et respecte la
condition aux limites à la paroi. Si en toute rigueur il faut une infinité de
modes pour avoir la solution exacte, une dizaine de modes suffisent à donner
une image réaliste des fronts d’onde dans le pavillon (cf. la figure
ci-dessous) ; par ailleurs l’apport d’un mode supplémentaire au mode plan
(calcul avec 2 modes) permet de calculer des impédances d’entrée
réalistes (voir la figure 22).
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Représentation des fronts d’onde de pression dans un pavillon en fonction du nombre de modes pris en compte dans le calcul : de 1 mode (approximation ondes planes) à 15 modes. |
Ouvrages de référence
- P.M. Morse et H. Feshbach (1953), « Methods of mathematical physics », Mc Graw-Hill.
- M. Bruneau (1998), « Manuel d’acoustique fondamentale », Hermès.
- M. Rossi (1986), « Electroacoustique », Dunod.
- N. Amir, V. Pagneux et J. Kergomard (1997), « A study of wave propagation in varying cross-section waveguides by modal decomposition », J. Acoust. Soc. Am. 101, pp 2504-2517.